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Hwæt! We Gardena in geardagum,
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þeodcyninga, þrym gefrunon,
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hu ða æþelingas ellen fremedon. »
1)
Parma Eldalamberon n
o 15 — «
Early Runic Documents » — «
Table of “Runic” with Beowulf
and Wanderer
Excerpts »
omportant vingt-quatre signes alphabétiques, le vieux fuþark est le plus ancien représentant des alphabets runiques germaniques. Les premières inscriptions runiques attestées remontent au deuxième siècle de notre ère et sont de caractère magique, gravées sur de la pierre, du bois ou de l’os2). Il est généralement admis que le vieux fuþark est dérivé des anciens alphabets nord-italiques, qu’utilisaient notamment les Étrusques. Adopté par les tribus germaniques au Nord des Alpes, il s’est propagé jusqu’en Scandinavie, où il resta employé jusqu’à la fin du VIIIe siècle. Il fut alors supplanté par le fuþark récent, une version simplifiée de cette écriture, qui ne comportait que seize runes. Les runes germaniques étaient peu adaptées aux textes longs : la plus longue inscription connue comporte environ deux cents caractères. Ces runes se firent progressivement remplacer par l’alphabet latin à mesure que le Nord de l’Europe se convertissait au christianisme.
Passionné par la langue et la culture germanique, Tolkien ne pouvait manquer de s’intéresser à cette écriture. Il s’efforça très tôt d’incorporer les runes dans son Légendaire en voie de formation, comme en témoigne un essai intitulé « Enʒlaʒesíþ », qui date de novembre 19183). Dans la plupart des spécimens qui nous sont parvenus, Tolkien a eu tendance à employer de préférence le fuþorc, la variété anglo-saxonne des runes germaniques, ou une adaptation de celui-ci. On ne compte en fait que deux documents qui fassent exception. Le premier est la page qui reproduit les lettres de Junius, où Tolkien dresse une liste des runes danoises de Waldemar. Le second est un document datant de 1924 au plus tôt4). Il comporte sur la première page une liste de runes rangées selon l’ordre alphabétique. Cette liste s’inspire visiblement du vieux fuþark, comme en témoigne l’absence de runes distinctes pour c et k, la forme de la rune pour o, et la présence d’une rune pour z. Une influence anglo-saxonne est néanmoins présente : les runes pour c et y étant absentes du vieux fuþark, Tolkien les a remplacées par les runes correspondantes du fuþorc. Les runes pour c et u sont dotées de variantes historiquement attestées sur certaines inscriptions runiques.
De cette liste, Tolkien dériva deux séries de runes standardisées, majuscules et minuscules, de forme relativement cursive5). Dans certains cas, Tolkien altéra délibérément les formes du fuþark pour se rapprocher des lettres correspondantes de l’alphabet latin (runes pour b, h, r et t) ou gotique (rune du O majuscule, très similaire à la lettre gotique correspondante, ōþal, qui s’inspire du Ω grec6)). Les runes standardisées pour d, m, l, o, s, t et u sont dotées de variantes. Il créa de plus deux runes supplémentaires pour j et k, qui s’inspirent visiblement du style anglo-saxon de l’alphabet latin. Tolkien employa le vieux fuþark et cette variété de runes standardisées sur les deux autres pages que comporte ce document, essentiellement pour des extraits de Beowulf et d’autres phrases en vieil anglais.