De Iohanne Raginualdo Raguele Tolkien Latinista : Tolkien et le latin

Tolkiendil Timothée Masurel — Mai 2024 Article de synthèse Article de synthèse Article de synthèse Article de synthèse

Ostium relinquit Via
Pergit in perpetuum ;
Via longe praecucurrit,
Sequi est propositum.

Iohannes R. R. Tolkien,
Anulorum Erus, liber I, cap. I.

Les affinités du professeur Tolkien avec les langues, naturelles comme construites, sont de mieux en mieux connues, et par une part de son lectorat toujours plus importante. Découvrant le finnois, il écrivit que « ce fut comme découvrir une cave à vin entière remplie de bouteilles d’un vin extraordinaire, d’une sorte et d’un goût jamais goûtés jusqu’alors. J’en fus vraiment grisé1). » Considérant les langues comme d’autres découvrent des poèmes, il commença à composer les siennes bien avant de penser à les pourvoir d’une mythologie. Jusqu’à sa mort, il continua à étudier les divers parlers de notre monde et à élaborer les langues construites de son Légendaire.

Il serait sans doute judicieux d’aborder le cas particulier de l’une des premières langues étrangères avec laquelle le professeur a été mis en contact : le latin. Si Tolkien a composé semble-t-il bien peu de textes latins, la familiarité qu’il entretenait avec cette langue et l’influence qu’eut celle-ci sur son œuvre ne sont pas à sous-estimer. Une étude pour ainsi dire biographique des rapports de Tolkien avec l’ancêtre de l’italien ainsi qu’une quête à la recherche de sa présence dans l’œuvre du professeur permettront de mieux caractériser cette relation, nous le verrons, toute particulière.

Histoire d’une relation

Découverte d’une langue

Le premier contact du jeune John Ronald Reuel Tolkien avec la langue de Cicéron eut lieu par l’intermédiaire de sa mère. Tolkien naît en 1892 dans l’État Libre d’Orange (dans l’actuelle Afrique du Sud). Ses parents, Arthur et Mabel Tolkien, ont quitté l’Angleterre quelques années plus tôt, au moment de la promotion de Tolkien père à la tête de l’agence de la Banque d’Afrique à Bloemfontein. Le climat africain ne convenant pas à Mabel ni à son fils, la mère retourne en Angleterre avec ses deux enfants John et Hilary en 1895, mais son mari meurt d’un rhumatisme infectieux avant d’avoir pu les rejoindre. Mabel s’installe chez ses parents, à Birmingham, puis à Sarehole, un hameau au sud de la ville. La mère de Tolkien se charge alors elle-même de l’éducation de ses deux fils. Elle enseigna à John, alors âgé de cinq ou six ans, des rudiments de latin, de français puis d’allemand2). Si la langue de Molière déplut au jeune garçon (il n’en appréciait guère les sonorités), le latin fut pour John la source de beaucoup de plaisir et d’intérêt, tout autant passionné par les sons et les formes des mots que par leurs sens.

Le français et le latin ensemble ont été ma première expérience de deuxième langue. Le latin – pour exprimer maintenant des sensations encore vives dans ma mémoire bien qu’inexprimables à l’époque où elles furent reçues – semblait si normal que [les notions de] plaisir ou [d’]aversion étaient pareillement inapplicables. Le français m’a donné moins de ce plaisir qu’aucune autre langue que je connaisse suffisamment pour en juger3).

Tolkien le latiniste : cursus scolaire (1900-1916)

Lorsque l’enfant intégra la King Edward’s School de Birmingham en 1900, sa passion pour le latin était intacte et sa maîtrise avancée : dans sa biographie de Tolkien, Humphrey Carpenter écrit que l’amitié de Tolkien avec Christopher Wiseman reposait sur « un intérêt partagé pour le latin et le grec [ancien], une passion pour le rugby […] et l’enthousiasme de discuter de tout et n’importe quoi4)». Les disciplines principales du cursus suivi étaient précisément le latin et le grec, et elles étaient semble-t-il remarquablement bien enseignées5). C’est à travers l’étude des classiques, et particulièrement à travers les exercices scolaires de traduction de vers anglais en latin ou en grec [ancien], que fut éveillé le goût de Tolkien pour la poésie6). C’est aussi à la King Edward’s que Tolkien développa ses premiers appétits philologiques, cherchant à comprendre l’histoire, l’origine et les raisons qui avaient amené les langues qu’il parlait à posséder les mots et les logiques grammaticales qu’il avait appris. Le latin et le grec (avec bien sûr les autres langues naturelles qu’il connaissait de près ou de loin à l’époque) furent ainsi les premiers sujets de ces nouvelles problématiques, Tolkien y étant du reste encouragé par son directeur (headmaster) Robert Cary Gilson7).

Durant ces années également, Tolkien forgea ses premières langues construites, activité découverte notamment grâce au contact de ses deux cousines, Marie et Marjorie Incledon, qui inventèrent en 1905 l’animalique, une langue privée rudimentaire, que Tolkien trouva suffisamment amusante pour l’apprendre. Quand l’animalique puis le nevbosh son successeur moururent d’être abandonnés par leurs créateurs, Tolkien commença à développer le naffarin à l’automne 1907, une langue plus sophistiquée et dont le style phonétique général était inspiré de l’espagnol8) mais aussi du latin9)10). C’est de ces années à Birmingham, pendant lesquelles Tolkien « préférait la poésie latine et grecque à Milton et Keats11) », que nous tenons le seul texte littéraire latin de Tolkien conservé à ce jour. Les élèves de la King Edward’s School avaient cette coutume de mener des débats entièrement en latin12). Les sujets de ces débats étaient ludiques et tenaient plus du jeu de rôle que de la disputatio : les élèves, s’étant attribués des sobriquets latins, s’adressaient la parole en tant que sénateurs romains discutant d’affaires publiques. Les latinistes discutaient à chaque fois de l’actualité ou de la société britannique contemporaine, mais via le truchement narratif et immersif d’une pseudo-reconstitution historique d’une antique séance du Sénat de la République romaine – les participants allant jusqu’à porter des toges. Chaque année, un compte rendu en latin du débat était ensuite rédigé par un debating secretary et publié dans le journal de l’école, la King Edward’s School Chronicle.

L’Argonath ((c) Ted Nasmith)

Tolkien participa à trois de ces débats. Il tint en 1909 le rôle d’un haruspice du nom de Spurius Vectigalius Acer, alors que le sujet débattu était la cession de terres indiennes aux soviétiques. En 1910, on se proposait de supprimer le Sénat et, en 1911, on débattit du sort des étrangers – Tolkien incarna alors un sénateur, T. Portorius Acer Germanicus13). Tolkien, se lassant peut-être du latin, éleva la difficulté pour ses camarades et l’exigence de cet exercice en y mêlant d’autres langues, toujours en respectant le cadre traditionnel fixé du « jeu ». Ainsi, quand il tint le rôle d’un ambassadeur grec reçu à Rome par le Sénat, il ne s’exprima qu’en grec ancien. Lors d’un autre débat, durant lequel il incarnait de la même façon un envoyé barbare, ses compagnons eurent le droit à quelques interventions en gotique. En d’autres occasions, l’anglo-saxon fut aussi de la partie14). On ne s’étonnera pas d’apprendre qu’il fut désigné dans le compte rendu du débat de 1910 sous le pseudonyme d’« Eisphorides Acribus Polyglotteus ». Un court texte, « Acta Senatus », de date inconnue et rédigé en latin, sera publié dans le King Edward’s School Chronicle de mars 1911. Ce texte, rédigé dans le style d’un rapport de séance politique au Sénat romain, est le compte rendu de l’un de ces débats. Bien que le texte ne soit pas signé, les papiers laissés par Tolkien attestent qu’il en est bien l’auteur15).

Par la suite, l’arrivée de Tolkien à Oxford signe définitivement le déplacement et la concentration de ses intérêts philologiques vers les langues germaniques, glissement qui avait commencé à poindre auparavant. Si le latin lui-même ne semble pas être tombé en disgrâce, les auteurs latins et grecs et leur étude l’avaient lassé16) ; à la mort de Tolkien en 1973, une notice nécrologique dans The Times cite Tolkien comme ayant dit de lui-même que son « amour pour les classiques mit dix ans à se remettre des cours sur Cicéron et Démosthène17) ». Sans doute ce délaissement du latin est-il à nuancer, comme on le verra ; citons d’emblée, en opposition, la note [suppression « de soutien »] qu’écrira Joseph Wright en 1925, en soutien à la candidature de Tolkien pour une chaire d’anglo-saxon :

Je connais personnellement le professeur Tolkien depuis le début de ses études de premier cycle à Oxford, et j’ai beaucoup admiré son vif intérêt pour l’étude philologique du latin, du grec et plus particulièrement des langues germaniques. Il a régulièrement assisté pendant deux ans à mes cours et à mes conférences sur la philologie générale comparée, et sur le latin, le grec et le gotique, et je me suis fait une haute opinion de ses accomplissements dans ces matières18).

Latin et liturgie

Avec son premier poste de Lecteur (Reader in English Language) à l'université de Leeds, en 1920, Tolkien abandonne définitivement ses liens scolaires avec la langue de Cicéron. Le latin est pourtant loin de disparaître de sa vie. D’une part bien sûr, ses compétences de latiniste furent ponctuellement sollicitées, par exemple pour les devoirs scolaires de ses enfants19) ; d’autre part, comme nous le verrons plus loin, sa familiarité avec le latin affleure toujours dans ses écrits. Plus encore, Tolkien, profondément catholique20), allait à la messe, semble-t-il, plusieurs fois par semaine (dont le dimanche), si ce n'est quotidiennement, du moins à certaines périodes de son existence21). Durant presque toute sa vie, la messe fut célébrée en latin, selon le rite romain de l’époque. Les homélies et certaines lectures étaient bien prononcées en anglais, mais l’usage omniprésent du latin dans la liturgie catholique et l’intense fréquentation des sacrements par Tolkien ne l’auraient de toute façon pas laissé perdre contact avec la langue latine.

L’amour d’un philologue pour le latin ne peut en effet qu’être renforcé par une foi catholique si totale. C’est à l’époque de Tolkien que des papes comme Pie XI22), Pie XII (« l’emploi de la langue latine [est] une protection efficace contre toute corruption de la vraie doctrine23) ») ou surtout Jean XXIII rappellent l’intérêt du latin en tant que langue de l’Église catholique, langue jugée alors la plus propre à exprimer de manière profonde et claire la doctrine catholique :

Au milieu de cette variété de langues, il y en a une qui surpasse les autres, celle qui, née dans le Latium, est devenue ensuite un admirable instrument pour la diffusion du christianisme en Occident. Ce n’est pas sans une disposition de la providence divine que cette langue, qui pendant de nombreux siècles avait réuni une vaste fédération de peuples sous l’autorité de l’Empire romain, est devenue la langue propre du Siège apostolique […] De plus, il ne faut pas oublier que le latin est empreint d’une noblesse caractéristique ; il a un style concis, varié, harmonieux, plein de majesté et de dignité qui incite d’une façon inimitable à la précision et à la gravité24).

Bien qu’il n’existe pas à notre connaissance de lettres de Tolkien commentant ces textes du Vatican ou attestant qu’il les ait lus, il semble assez probable que l’opinion qu’il avait du latin en tant que catholique fût très proche de ces analyses. Du moins plusieurs anecdotes tendent-elles à le confirmer. Par exemple, l’attachement aux prières latines de l’Église catholique se manifestait déjà en 1944 ; dans une lettre à son fils Christopher, Tolkien lui recommande de prendre l’habitude de prier et louer avec les principales prières latines de l’Église :

Si tu ne le fais pas déjà, prends l’habitude des « prières de louanges ». Je les utilise beaucoup (en latin) : le Gloria Patri, le Gloria in Excelsis, le Laudate Dominum ; le Laudate Pueri Dominum (que j’affectionne particulièrement), un des psaumes du dimanche25) ; et le Magnificat ; les Litanies de Lorette26) aussi (avec la prière Sub tuum presidium). Si tu les sais par cœur, tu n’auras jamais besoin de mots de joie. C’est aussi une chose bonne et admirable que de connaître par cœur le Canon de la Messe, car tu peux le dire dans ton cœur si jamais de dures circonstances t’empêchent d’assister à la Messe27).

Les Aigles de Manwë ((c) Ted Nasmith)

Au cours des années 1950, Tolkien traduisit28) d’ailleurs en quenya et sindarin (deux de ses langues elfiques) plusieurs de ces prières. En 1955 son journal de voyage, qui relate un dimanche à Assise, nous confirme la pérennité de cette prédilection pour la prière en latin :

Nous avons eu le rosaire, très bien prié, et entièrement en latin, à ma grande surprise et à mon plaisir29).

Son attachement religieux au latin devait également être à l’origine de l’une des « sources de tristesse30) » des dernières années de sa vie. La réforme liturgique de 1969, dernière étape d’une série de modifications liturgiques mises en place après la fin du concile Vatican II (1962-1965), introduisit dans les célébrations l’emploi des langues vernaculaires en lieu et place du latin. En 1956, lors des premières modifications et adaptations (minimes) opérées par Pie XII, Tolkien disait approuver en soi les réformes, « plus appropriées aux modes de vie des chrétiens modernes31) », mais déclarait déjà se sentir « un peu bouleversé et même un peu triste à [s]on âge de savoir que les cérémonies et modes si longtemps familières et profondément associées à la saison [de l’année] ne se feraient plus jamais entendre !32) » Il faut donc garder à l’esprit qu’outre la disparition du latin, cette tristesse nostalgique face à la disparition de rites, gestes et paroles qui avaient accompagné sa vie de foi a sans doute aussi joué un rôle dans sa désapprobation des dernières réformes, notamment celles ayant induit la quasi-disparition du latin dans les cérémonies du culte catholique.

Tolkien en effet reçut très mal la nouvelle de cet abandon du latin. Selon son fils John, prêtre catholique, Tolkien « ne voyait vraiment aucun intérêt à abandonner le latin. Il avait cette habitude de lutter et d’essayer d’utiliser le missel latin à la messe anglaise33). » Son petit-fils Simon Tolkien racontait comment, allant à la messe à Bournemouth avec son grand-père, ce dernier « faisait les réponses [liturgiques] en latin d’une voix bien forte tandis que le reste de l’assemblée répondait en anglais34). » Du reste, Tolkien ne fut pas le seul britannique à s’offusquer de la disparition du latin. À la suite de l’introduction du nouveau rite de la messe, une pétition fut envoyée au pape demandant que la forme précédente du rite romain soit toujours autorisée pour ceux qui le souhaitaient en Angleterre et au Pays de Galles, pétition qui mettait en avant l’héritage artistique et culturel du rite remplacé35), mais dont Tolkien ne semble pas avoir eu vent. Paul VI, le pape qui promulgua la réforme, admettait lui-même que :

pour quiconque connaît la beauté, la puissance du latin, son aptitude à exprimer les choses sacrées, ce sera certainement un grand sacrifice de le voir remplacé par la langue courante. Nous perdons la langue des siècles chrétiens, nous devenons comme des intrus et des profanes dans le domaine littéraire de l’expression sacrée. Nous perdrons ainsi en grande partie cette admirable et incomparable richesse artistique et spirituelle qu’est le chant grégorien. Nous avons, certes, raison d’en éprouver du regret et presque du désarroi […]36).

La langue latine, bien qu’elle n’ait plus constitué un sujet d’étude ni une source d’inspiration première pour un Tolkien germanique et anglophone avant tout, avait ainsi un statut à part pour le professeur, si tant est que deux langues aient jamais eu pour lui un statut commun.

Production littéraire : les « Acta Senatus »

Les Acta Senatus que nous avons introduits précédemment constituent, rappelons-le, le seul texte littéraire latin composé par Tolkien dont nous connaissons l’existence. La spécificité de ce compte rendu est qu’il représente bien les différences et défis que comporte l’usage dans des situations modernes d’une langue morte, intimement liée à une civilisation et une culture particulière, et les possibilités ludiques permises par celui-ci.

Résumé du débat

Au moins vingt-cinq personnes semblent avoir pris part au débat, et la profusion d’interlocuteurs n’aide pas à clarifier les différentes questions abordées. Deux consuls sont en place, P. Roscius Carus Helveticus, qui est aussi chef des armées (imperator), et M. Tenacius Habena. Roscius étant absent en Asie, c’est Tenacius qui convoque les sénateurs et ouvre la séance après consultation des auspices. Les sénateurs commencent par discuter du sort à réserver aux « étrangers » (peregrini) présents à Rome : faut-il les en expulser ou non ? Un certain L. Clodius Harena Ericillus est en faveur de cette expulsion, tandis que Vinicius Rutilantius Helluo s’y oppose.

Le consul Roscius, revenu victorieux d’Asie, fait alors irruption en pleine séance, déclenchant vacarme et querelles : les sénateurs débattent alors de Roscius et Tenacius, car il est question de conférer à l’un ou à l’autre plus de pouvoir. Leurs partisans respectifs blâment ou louent Roscius. Les frères M. Corcius Pato et Q. Corcius Pato Iunior sont divisés, le premier attaquant verbalement Roscius, s’attirant ainsi les blâmes du second. Le fils de Roscius lui-même, Q. Roscius, est opposé à son père, ce qui explique les insultes de T. Portorius Acer Germanicus, fidèle partisan de Roscius père, qui exhorte le Sénat à nommer ce dernier dictateur à vie. Un étrange « pain canonique » est alors apporté, qui sera servi d’un geste irrespectueux à Roscius fils par Portorius, ce qui déclenche les foudres de T. Placenta Horreo, partisan semble-t-il de Tenacius. S. Tumulus Vallio réagit alors à son tour en prononçant une diatribe contre Horreo, laquelle convainc un nouveau sénateur, S. Tumulus Vallio, de la nécessité de confier la dictature à Roscius père. Tumulus cependant clame qu’il faudra également, pour contrebalancer et restreindre les nouveaux pouvoirs de Roscius, confier la direction de la cavalerie à Tenacius ainsi qu’au sénateur Algidius Mensura : avec ce compromis, Tumulus a en tête un projet de « système bicaméral ».

Le sénateur C. Hortensius Silvior Hibernicus réagit alors, clamant qu’en aucun cas il n’est tolérable de confier la dictature à Roscius. Revenant aux premiers débats concernant le sort des « étrangers » de Rome, il fait notamment valoir que Roscius est lui-même un étranger, tout comme Petrus Pictor – un individu visiblement de piètre réputation. Les légats étrangers entrent alors sans frapper pour plaider leur cause, avec semble-t-il à leur tête un certain Theophilus Adeodatus. Les pourparlers de paix s’éternisent, quand soudain Theophilus jette une bombe sur Roscius, déclenchant un nouveau tumulte. Une fois celui-ci apaisé, Theophilus est exécuté par étranglement au pain canonique. Le sénateur C. Habentius Digna Redivivus prononce alors quelques paroles mémorables, puis, le temps de la séance étant écoulé, Roscius ordonne que chacun rentre chez soi.

L’immersion dans une langue à conventions et ses difficultés

Le titre « Acta Senatus » (Actes du Sénat) laisse présager un compte rendu immersif à la limite du jeu de rôle où tout serait rédigé comme si la discussion relatée était une séance de débat du Sénat romain, et donc écrites dans les formes. De fait, John Ronald Reuel Tolkien n’est pas désigné comme Iohannes Raginualdus Raguel Tolkien, mais en tant que T. Portorius Acer Germanicus37) : un nom des plus romains, comportant un praenomen, « T. », qui selon les conventions d’abréviation romaines des prénoms, se lit « Titus », un nomen gentillicium, « Portorius », complété par le cognomen « Acer », et même un agnomen personnel, « Germanicus », qui pourrait cela dit être plus simplement un deuxième cognomen. Dans l’Antiquité romaine en effet, chaque homme portait deux à quatre noms. Le praenomen est ce qui se rapprochait le plus de notre prénom : choisi par les parents à la naissance, il est personnel, mais n’est pas forcément le vocable par lequel les individus s’interpellent entre eux : en effet, presque tous les enfants recevaient un praenomen parmi une liste restreinte de dix-huit praenomina/, quoiqu’il en existât en fait une petite quarantaine. Aussi le prénom romain n’avait-t-il pas la même force de caractérisation et de distinction que le nôtre. Le nomen gentilicium, ou nom de famille (gens), est héréditaire. Cependant, une nouvelle fois, on recense un nombre restreint de ces « familles » parmi l’aristocratie romaine. Aussi le romain recevait-il souvent un cognomen à la suite d’un fait biographique notable ou une caractéristique physique. Le cognomen était transmis aux enfants comme second nom de famille, après le nom de gens, et permettait de distinguer les sous-branches et les vrais membres d’une famille au sens d’individus tenus par des liens du sang plus resserrés. La prolifération des cognomina dans les derniers siècles de l’Empire a conduit beaucoup à en classer certains types comme étant des agnomina, des surnoms plus tardifs, troisième nom permettant également de repérer des sous-branches familiales. En outre, les agnomina étaient plus souvent liés à des faits d’armes de l’individu, et plus rarement héréditaires.

Les pseudonymes utilisés par les élèves et maîtres lors du débat témoignent d’une connaissance sûre de ces usages ; ainsi le directeur Cary Gilson est désigné comme P. Roscius Carus Helveticus tandis que son fils Robert Q. Gilson est nommé d’après son père Q. Roscius Carus Helveticus, héritant ainsi de son cognomen « Carus » – vraisemblablement une latinisation du prénom Cary, – alors que lui-même porte un autre prénom, Robert. Dans le même ordre d’idée, Wilfrid H. Payton et son frère cadet Ralph S. Payton sont nommés respectivement M. Corcius Pato et Q. Corcius Pato Iunior – Iunior, « le Jeune ». Les faits d’armes et autres origines ayant fait mériter aux latinistes leur cognomen sont adaptés aux possibilités de l’époque moderne – le dernier nom de Roscius, « Helveticus », ne vient évidemment pas d’une gloire militaire acquise en Suisse, mais des « enthousiasmes alpins »38) de Gilson. Cependant, le principe du cognomen reste ainsi dans une certaine mesure respecté.

Le système romain des trois noms (ou plus) est donc employé, même si les noms eux-mêmes existaient rarement à l’époque antique, et ont souvent des étymologies fantaisistes ou fondées sur des jeux de mots. Ainsi Tolkien hérite-t-il du nom T. Portorius Acer Germanicus dont John Garth nous fournit l’« étymologie » : le nom Portorius est certainement dérivé de portorium « péage » – toll en anglais – tandis qu’acer est la traduction de l’adjectif anglais keen (« vif, aigu, passionné »). Ainsi, la traduction anglaise de « Portorius Acer » se lit « toll–keen », « Tolkien »39). L’initiale T. figure en tête de ces noms sans doute pour renvoyer au nom « Tolkien », tandis que « Germanicus » renverrait à l’origine germanique supposée du nom Tolkien. D’autres pseudonymes recourent à de semblables plaisanteries : ainsi M. Corcius Pato n’est pas seulement une latinisation phonologique du nom anglais Payton, mais une occasion également pour Tolkien de réaliser une contrepèterie rapprochant notre « M. Corcius Pato » de M. Porcius Cato40), personnage historique réel plus connu sous le nom de Caton l’Ancien. Quant à Thomas K. Barnsley, ou plutôt « T. Placenta Horreo », si son cognomen Horreo vient du latin horreum « grenier » – barn en anglais –, son nomen gentilicium vient d’une plaisanterie d’initiés ; il était en effet surnommé « Tea-Cake ». Ce terme est évidemment intraduisible dans le latin de l’âge d’or, mais le mot placenta qui est employé désignait bien une sorte de galette sucrée.

Lembas ((c) John Howe)

D’autres éléments témoignent des limites du réalisme historique de ce compte rendu. Le texte commence par un énoncé de la date : « A.D. VI, ID. MART. », abréviation pour « Anno Domini sexto, Idibus Martiis », c’est-à-dire « 6e année du Seigneur, [au jour des] Ides de Mars ». Aujourd’hui on dirait « 15 mars de l’an 6 après Jésus-Christ ». Les Ides tombaient le 13 ou le 15 de chaque mois, et servaient de repère de datation. Au lieu de parler de premier, deuxième… trente-et-unième jour du mois, on parlait de énième jour avant les calendes, les nones ou les ides du mois nommé (les calendes, nones et ides étant des jours de référence déterminés). On pourrait être surpris de voir utilisée la locution chrétienne « Anno Domini », tardive, puisque même après la christianisation de l’Occident, il a fallu attendre plusieurs siècles pour qu’on décide – et à une échelle européenne – de compter les années depuis la supposée date de naissance de Jésus-Christ. En effet, le Sénat Romain n’a jamais rien daté à partir de cet an 0, le compte des ans se faisant alors d’après la date de la fondation de la ville de Rome (ab Urbe condita). Une immersion plus historique aurait donc donné « A.U.C. DCCLIX, ID. MART. » Étonnamment pourtant, le débat n’eut pas lieu le 15 mais le 10 mars. Peut-être le 15 mars est-il la date de rédaction du rapport plutôt que celle du débat. Cependant, ce changement de date serait plutôt une allusion au déroulé du débat : le rapport mentionne en effet un attentat à la bombe contre le consul Roscius. Or le 15 mars est la date célèbre à laquelle Jules César, alors dictateur à vie, fut assassiné par certains membres du Sénat.

Une première explication quant à l’usage de l’« A.D. » plutôt que de l’« A.U.C. » romain serait la volonté d’employer un latin peut-être plus médiéval ou ecclésiastique, plutôt que rigoureusement classique. Cependant, c’est d’abord le latin classique qui était enseigné à la King Edward’s School, et employer un latin médiéval ou ecclésiastique n’aurait pas eu beaucoup de sens pour un débat parodiant la République romaine antique. On tendrait plus à voir dans cet « anno Domini » un hommage de primauté donné consciemment ou inconsciemment à la datation chrétienne, ce qui allait peut-être de soi pour le très catholique Tolkien. Le fait que les « Ides de Mars » romaines soient mentionnées ensuite n’est pas contradictoire, puisqu’encore aujourd’hui les documents latins produits par le Vatican n’ont aucun problème à mentionner ides, nones et calendes du mois dans la phrase d’ouverture datant la publication : l’usage antique, quoique lié à l’origine à un calendrier religieux païen, s’est conservé. Du reste les participants au débat ne se sont pas donné autant de peine pour produire une fiction historique réaliste : si leurs discussions à rôles sont supposées s’être déroulées à Rome en l’an 6, elles constituent un bien mauvais roman historique, contredisant sans nécessité nos connaissances relatives à cette époque : le texte parle du débat comme ayant lieu sous le consulat de « Roscius Carus Helveticus » et de « Tenacius Habena », alors que jamais aucun consul n’a porté l’un ou l’autre de ces noms. Roscius revient d’ailleurs d’une guerre en Asie inexistante à l’époque. On irait trop loin en supputant une uchronie ludique pour rendre compte de ces imperfections quant à l’immersion historique des élèves. Il apparaît rapidement que le texte vise plus à rendre hommage et imiter le ton des textes de l’époque antique qu’à réellement reconstituer un cadre historiquement réaliste et sans faute.

Gondoriens ((c) John Howe)

Le latin n’a jamais cessé d’être parlé, et ce jusqu’à aujourd’hui. Longtemps après la disparition de la Rome antique, intellectuels et ecclésiastiques ont continué à user de la langue du Latium, et celle-ci s’est trouvée enrichie et complétée de nombreux néologismes avec les époques. Les noms des nouvelles espèces de plantes ou d’animaux découvertes, les nouvelles machines, ou encore les nouvelles nationalités, les nouvelles notions scientifiques ou politiques ont été traduites par de multiples néologismes au fil des besoins des auteurs. Certains de ces néologismes ont survécu et se sont imposés dans une forme de sélection naturelle avant d’être intégrés de plain-pied dans le latin médiéval puis moderne après la courte pause du latin humaniste. Cependant, avec la chute drastique de la présence de la langue latine comme lingua franca du monde intellectuel occidental et de la juridiction, au profit d’autres langues vivantes, la communauté des latinistes, sérieusement diminuée, se cloisonne. Au cours du xxe siècle, la langue tend à redevenir le latin des anciens romains, déconsidérant les évolutions médiévales.

Tout ceci constitue une difficulté supplémentaire pour un lecteur cherchant à comprendre la réalité moderne derrière les mots employés. Certains passages sont transparents : le mot anglais est repris tel quel sans finesse, avec une simple terminaison latine et des guillemets permettant à l’auteur de se disculper du barbarisme ; Tolkien nous parle ainsi d’un « bombum » qui intervient vers la fin du texte : « Aussitôt, au milieu des pourparlers de paix, Theophilus, qui avait songé pendant des heures, semble-t-il, à tuer Roscius, lança alors sur Roscius une “bombe” – c’est le nom que les machines de ce genre ont, nous semble-t-il, chez les barbares41)42). » Le texte nous dit en un autre endroit que T. Portorius Acer Germanicus prescrivit « d’apporter un pain inhabituel de forme et de couleur, ainsi que de goût, auquel il donna le nom de “canonique”43) ». Ce nom de « pain canonique » renvoie probablement, de manière plus ou moins explicite, à une friandise moderne quelconque qui était mise à la disposition des latinistes durant les séances de débat, comme le suggère l’emploi de guillemets et la manière dont ce « panis canonicus » est présenté. Du reste Tolkien ne fait que suivre la coutume néologique de ces débats annuels, qui se servent aussi de néologismes pour permettre aux latinistes de discuter plus directement des sujets d’actualités. Le compte rendu de 1908 abordait le cas des mulieres suffragatriculae (suffragettes), celui de 1912 mentionne un aeroplanum44).

Le manque de référentiel : la difficile exégèse du lecteur contemporain

Le texte conserve ainsi de nombreux mystères quant aux évènements réels qui ont eu lieu ou qui ont été discutés. Le nom du latiniste derrière le pseudonyme n’est pas toujours connu. Tous les nomina n’ont pas été décodés, et quand le nom est connu, la raison d’être de son pseudonyme n’est pas toujours claire. On peut certes deviner pourquoi Christopher Luke Wiseman est « C. Lucius Vafer Plebeius » : Lucius est un prénom romain, c’est sans doute une traduction de « Luke » ; vafer signifie « fin, rusé, habile » et plebeius signifie « plébéien, de la plèbe ». Le cognomen Plebeius, assez connoté, peut par extension signifier « de la populace, populaire, commun », mais il est peut-être une simple adaptation du man de Wiseman pour faire suite à « Vafer ». En effet, ni vir « homme, mâle », ni homo « homme, être humain » n'auraient pu former un cognomen acceptable. Dans la même situation, Algidius Mensura, Alfred Ernest Measures, est une référence relativement transparente. « Mensura » est évidemment une traduction de Measures, tandis que le faux prénom « Algidius », qui évoque l’adjectif algidus « froid, glacé », à moins qu’il ne renvoie au mont Algidus, situé en Italie dans le Latium, est probablement une latinisation du surnom Algy dont était affublé Measures45). Le consul M. Tenacius Habena renvoie assez clairement à Richard Williams Reynolds : Damien Bador46) rapproche l’étymologie de Williams, intégrant les éléments germaniques will « volonté » et helm « heaume, protection » de Tenacius, qui vient de l’adjectif tenax « tenace », tandis que Reynolds est issu du germanique Raginald, composé lui-même de regin « conseil, avis, décision » et de wald, qui signifie « pouvoir, autorité ». Habena pourrait donc être une transposition de cette étymologie, habena signifiant courroie, « bride, rênes », et par extension « pouvoir, gouvernement ». En revanche, le cas de William Lang Vince, ou Vinicius Rutilantius Helluo est moins clair. « Vinicius » traduit certainement Vince, mais les références derrière « Rutilantius » (ouvertement dérivé de rutilans, « brillant, éclatant ») et helluo « glouton, goinfre » sont difficiles à deviner. Plusieurs des cognomina figurant dans les Acta semblent avoir étés déterminés en référence à un événement hors-texte suite auquel le latiniste en aurait été affublé par la taquinerie de ses camarades.

Venons-en aux sujets mêmes du débat, qui nécessitent également une certaine exégèse : la première question débattue est la pertinence de l’expulsion des « peregrini » hors de Rome. le terme peregrinus renvoie aux étrangers en latin classique, mais il pourra aussi signifier plus tard « pèlerin », notamment en latin ecclésiastique. Si les locuteurs discutent en apparence d’un problème d’étrangers de la Rome antique, sans doute débattaient-ils en réalité de la situation migratoire britannique des années 1910. L’étranger « Petrus Pictor », cité par le texte, nous aiguille : Peter the Painter, dont le nom latin pouvait difficilement être traduit autrement que Petrus Pictor, aussi connu sous le nom de Peter Piaktow, était membre d’un gang d’anarchistes lettons immigrés à Londres au début du xxe siècle. Après de supposés combats au siège de Sidney Street en 1911 et son échappée, il est devenu un anti-héros dans l’East End de Londres. L’intérêt de la présence de Peter the Painter dans les débats est qu’elle nous permettrait d’identifier qui sont les « peregrini » à expulser du début du texte : il s’agirait des immigrés lettons anarchistes de Peter Piaktow47).

Aragorn en rôdeur ((c) John Howe)

Les autres événements et sujets de controverse du débat sont beaucoup moins clairs. À commencer par le retour d’Asie de Roscius (Robert Cary Gilson) qui fait irruption en vainqueur pendant la séance ; de quoi s’agit-il réellement ? La querelle qui s’en suit entre les partisans de Roscius-Gilson et Tenacius-Reynolds pour les pleins-pouvoirs n’est pas beaucoup plus limpide : headmaster de l’école, Gilson détient déjà la « dictature perpétuelle » qu’on lui dispute lors du débat, et il semble insolite qu’il ait pu être question – surtout lors d’une discussion avec élèves ! – de lui retirer son poste pour le confier à Reynolds, professeur de lettres classiques anglaises et d’histoire. On peut supposer une discussion ironique sans conséquence pour taquiner les deux supérieurs des élèves. Cela dit, quand Vincent Trought (V. Salmonius Tructa Rufus) estime que la dictature doit bien être confiée à Roscius-Gilson, mais que la « direction de la cavalerie » doit aller à Mensura (A.E. Measures, l’un des Housemasters de l’école) et à Tenacius-Reynolds pour contrebalancer ce pouvoir, on a quelque difficulté à imaginer de quoi il parle.

Au-delà des sujets abordés, les gestes et objets sont également obscurs : aucun latiniste n’ayant évidement été tué pendant ce débat-jeu de rôle, il est difficile de savoir ce qui arriva réellement à Roscius-Gilson sur lequel Theophilus « jeta une bombe », selon le texte, avant d’être « exécuté par étranglement ». Étranglement qui se fait avec un mystérieux « pain canonique » (panis canonicus), dont on ne sait pas à quelle nourriture moderne il fait référence. Marco Cristini propose une théorie qui fait de l’adjectif canonicus un néologisme dérivé de canis, « chien »48), sans aucun rapport donc avec l’adjectif latin homonyme canonicus, bien connu, qui vient du grec κανονικός « relatif à une règle, régulier », puis ultérieurement « clerc » dans le vocabulaire ecclésiastique. Le panis canonicus pourrait ainsi être un dog bread, mais cette hypothèse reste assez imprudente, et quelque peu tirée par les cheveux. Il serait de plus étrange que Tolkien ait choisi de former un néologisme superflu et en outre ambigu car homonyme d’un autre adjectif connu. On pourrait encore relever d’autres mentions obscures : qui étaient réellement les « licteurs » mentionnés brièvement à la fin du texte, puisqu’ils ne désignent pas réellement les gardes portant une hache dans un faisceau de verges qui marchaient devant les hauts magistrats romains ?

Nous pouvons enfin souligner que, même pour un élève de la King Edward’s school maîtrisant les références privées qui pourraient échapper à un lecteur contemporain, le texte serait par endroits difficile à comprendre, avec des constructions parfois très denses. Prenons en exemple la phrase :

Inde cum lingua quapiam barbara mixtis Latinis verbis singultavisset fudissetque lacrimas, C. Lucius Vafer Plebeius, ipsas inter iteritas a Portorio voces subito obnuntiavit C. Hortensius Silvior Hibernicus nullo modo deferendam Roscio dictaturam.

Le passage « singultavisset fudissetque lacrimas, C. Lucius Vafer Plebeius, ipsas inter iteritas a Portorio voces » en est le plus difficile à saisir, et la traduction que nous en proposerions serait moins chargée et plus diluée : « Puis, lorsque C. Lucius Vafer Plebeius eut versé des larmes et sangloté quelques mots, entrecoupés de ceux de Portorius qui les répétaient, dans une langue barbare mêlée de mots latins, C. Hortensius Silvior Hibernicus clama soudain que la dictature de Roscius n’était en aucune façon tolérable. » Le texte est aussi parfois simplement ambigu quand Tolkien ne précise pas très exactement de quoi il parle : Portorius donne du pain canonique à Roscius « effrontément et très insolemment […] sur la pointe du glaive49). » Il est difficile de dire s’il s’agit du glaive du « donneur », qui tend le « pain » à Roscius sur la pointe d’un glaive, ou si Roscius se voit recevoir du pain sur la pointe de son propre glaive.

L’unicité de cette œuvre latine de Tolkien au milieu du vaste corpus de ses écrits fait écho à l’unicité de ses particularités, liées à son origine : un débat ludique qui reconstitue certains aspects des sessions du Sénat romain antique tout en faisant débattre des élèves entretenant entre eux des relations beaucoup moins formelles sur l’actualité britannique de 1911. Nous le verrons, l’influence du latin transparaît ailleurs dans les écrits de notre Portorius Acer.

Une présence vaste et indirecte dans l’œuvre de Tolkien

Le latin et son monde ne sont pas proéminents dans les œuvres de Tolkien. On rappelle plus volontiers les inspirations nordiques et chrétiennes du Seigneur des Anneaux ; et de fait, des lieux aux créatures en passant par leurs noms, la Terre du Milieu évoque peu l’atmosphère romaine. Dans une lettre de 1962 concernant la traduction espagnole du Hobbit, Tolkien affirmait d’ailleurs que « dans une langue latine, hobbits sonne atrocement mal50) », avant de proposer une latinisation du mot qui aurait selon lui dû être adoptée pour la traduction du livre. Au-delà de la phonologie des noms, les éléments mythologiques auxquels ils renvoient sont eux-mêmes très peu latins ; au milieu des nombreux reproches qui furent adressés à la traduction en latin du Hobbit réalisée en 2012 par Marc Walker51), on se rappellera notamment qu’il avait traduit « Elfes » par dryades, ce mot latin désignant sous l’Antiquité des nymphes des forêts. L’auteur semble ne pas avoir voulu inventer et employer de néologisme (comme alfus), mais plutôt trouver l’équivalent latin le plus proche – à son sens – de l’essence des Elfes de Tolkien. La critique que lui valut la présence de « dryades » dans son Hobbitus ille témoigne assez bien du peu de correspondance entre la mythologie du monde latin et les créatures merveilleuses qui peuplent la Terre du Milieu.

Bien que des phrases latines puissent apparaître anecdotiquement dans certains autres écrits, au-delà de l’exercice scolaire des Acta Senatus, un latiniste ne trouverait chez Tolkien pas grand-chose qui convienne à ses appétences. Notons que le latin n’est pas pour autant banni, puisque « le Retour de Beorhtnoth fils de Beorhthelm », dialogue de théâtre en vers allitératifs anglais, s’achève sur un psaume chanté par les moines alors qu’ils s’éloignent avec la charrette qui emporte le corps de Beorhthelm : « Dirige, Domine, in conspectu tuo viam meam52)… » ; plus proche encore des Acta, on trouve le poème « The Battle of the Eastern Field », parodie épique relatant un match de rugby à la King Edward’s School, et dans lequel certains joueurs sont nommés par le pseudonyme latin avec lequel ils sont également désignés dans les Acta Senatus53).

Nous verrons pourtant que les héros et royaumes du professeur se promènent plus souvent dans les temples du Latium qu’on pourrait le croire ; le latin étant d’abord une langue, il est cependant plus prudent de commencer par rechercher son évidence dans le paradigme linguistique de la Terre du Milieu. Deux des multiples langues forgées ou du moins esquissées par Tolkien méritent d’être comparée au latin : le quenya et le telerin. Ces langues sont toutes deux elfiques, ce qui n’est sans doute pas tout à fait un hasard : les Elfes sont un peuple dont on imagine volontiers la culture comme plus noble et plus érudite que ce qu’on trouve ailleurs. Rappelons que longtemps en Europe jusqu’à la fin du xixe siècle, les traités de sciences comme de philosophie – sans oublier l’histoire et même les traités internationaux – ont été en bonne partie rédigés en latin, qui est resté longtemps la langue d’échange du monde intellectuel, de la Naturalis Historia de Pline l’Ancien au De primis socialismi germanici lineamentis de Jean Jaurès, en passant par Newton ou la démonstration du théorème de Gauss. L’autre analogie entre les langues elfiques et le latin est leur « immortalité »54), bien que la pérenne longévité du latin n’ait pas tout à fait les mêmes raisons que celle des langues elfiques, qui bénéficièrent sans doute aussi de l’immortalité de leurs locuteurs fictifs, les Elfes. Les comparaisons du quenya d’une part et du telerin d’autre part avec la langue latine ont déjà été menées avec plus de finesse et d’exhaustivité que ce dont nous serions capables par deux spécialistes des langues de Tolkien, Damien Bador pour le quenya55) et David Salo pour le telerin56). Nous nous contenterons d’en citer quelques éléments et de résumer ici leurs conclusions.

Navire pour Valinor ((c) Ted Nasmith)

La première analogie que nous nommerons est la similitude de statut et d’histoire entre le quenya et le latin. Parmi les différentes langues elfiques, le quenya est resté historiquement une langue assez proche de la langue des premiers Elfes, comparativement à la plupart des autres langues elfiques. Comme le latin, le quenya perd ensuite bien plus tard son statut de langue vernaculaire pour devenir une langue réservée aux « sujets plus nobles » et à un usage poétique ou liturgique57). Le professeur précise bien que le sindarin (la seconde grande langue elfique de Tolkien) « est de fait construit délibérément de manière à […] avoir une relation avec le Haut-elfique [i.e. le quenya] similaire à celle qui existe entre les langues brittonique […] et latine58). » En ce qui concerne la langue proprement dite, le quenya est une langue qui elle aussi décline ses noms, bien qu’elle comporte quatre cas supplémentaires et que les désinences ne semblent pas du tout inspirées de leurs cousines latines, mais du finnois. La formation des adverbes semble inspirée du parler de Rome, et la phonologie du quenya présente quelques similarités notables avec le latin mais s’en écarte ailleurs ; le comparatif et le superlatif ainsi que le système verbal quenya n’ont en revanche rien à voir avec la manière de faire du latin. Cependant certains éléments de syntaxe rappellent quelques tournures latines (tournures de phrase avec enclitique de liaison, à la manière du senatus populusque romanus), tandis que certains mots du quenya semblent faire allusion au latin, comme heru « seigneur, maître », qui est proche du latin (h)erus « maître de maison, maître », et ango « serpent », qui rappelle le latin anguis « serpent, couleuvre ». Cependant, le quenya est aussi influencée par le finnois ; bien que Tolkien ait désigné plusieurs fois le quenya sous le nom de « latin elfique »59), les inspirations sont multiples et la part de création originale de Tolkien est à souligner60).

Pour cette raison notamment, on ne saurait passer outre le cas du telerin, autre « latin elfique », et l’analyse de David Salo. Celui-ci étudie de manière extrêmement complète et détaillée la phonétique du telerin, notamment les règles de formation, d’association, de mutations et d’assimilation des sons, avec plusieurs considérations sur l’histoire interne de la langue ; il en conclut que la phonologie du telerin – et le telerin lui-même, mais ce point est plus discuté – est bien plus latine que celle du quenya. Du reste, le telerin et le quenya possèdent des structures syntaxiques semblables. En ce qui concerne le vocabulaire (restreint) du telerin, on ne trouve pas plus facilement de rapprochements avec le latin ; Roman Rausch61) relève plusieurs liens possibles, dont le plus convaincant est la comparaison entre le telerin premier morta, mars « destin » avec le latin mors « la mort », mortuus « mort, décédé », et le nom de dieu Mars.

Si nous continuons plus avant à chercher des traces de la langue latine elle-même dans les œuvres de Tolkien, nous en seront réduits à remarquer les rares vestiges et clins d’œil – par exemple, l’un des nombreux noms de Gandalf, « Incánus », est un emprunt direct au latin incanus qui signifiait « blanc, blanchi » pour des cheveux, et au sens figuré « ancien »62). Il est sans doute temps d’élargir l’horizon de notre propos. Selon Tolkien lui-même, la fabrication de la langue et celle de la mythologie, de la culture orale qui l’accompagne, sont liées63). Plus généralement, une culture orale et mythologie est indissociable de l’esthétique et du fonctionnement de la langue dans laquelle elles vivent. Si cette thèse est une clé de lecture primordiale pour explorer les créations de Tolkien, récits, lais et langues, elle nous invite surtout à aussi considérer, au-delà de la langue latine proprement dite, tout le canon des récits fondateurs et des mythes romains portés par les vers latins d’auteurs qui sont eux-mêmes devenus, pour ainsi dire, mythiques. On ne saurait espérer un relevé complet de toutes les traces de la culture romano-latine dans l’œuvre du professeur ; nous nous bornerons à relever quelques exemples.

Gandalf et le Balrog ((c) John Howe)

En 507 av. J.-C., les Étrusques attaquent Rome. La bataille a lieu près d’un pont, qui permettrait aux Étrusques de franchir le Tibre et d’atteindre le Janicule. L’armée romaine, submergée en nombre, prend la fuite et se réfugie dans la Ville. Trois hommes seulement restent en arrière pour défendre le seul accès à Rome : le pont Sublicius, construit en bois pour pouvoir être détruit en cas d’attaque. Un soldat nommé Horatius Coclès64) se retrouve bientôt seul à défendre le pont contre l’armée ennemie tandis que ses concitoyens s’affairent à saboter celui-ci. Il résiste longtemps et lorsqu’il se voit sur le point d’être submergé par les ennemis, il demande en criant qu’on coupe le pont derrière lui et, ainsi tout armé, il plonge dans le Tibre avec ses ennemis. Malgré la grêle de traits qui s’abat sur lui, il réussira à rejoindre miraculeusement les siens à la nage, sans dommage. Héros légendaire, Horatius Coclès verra son histoire reprise et rapportée dans les siècles qui suivent notamment par Tite-Live65).

William H. Stoddard entre autres a rapproché66) ce récit, bien connu alors dans la culture romaine antique, de l’affrontement de Gandalf et du balrog sur le pont de Khazad-dûm67). Ce pont était situé près de la Porte Est de la Moria, long de cinquante mètres, étroit et sans balustrade. Comme le pont Sublicius, c’était une ancienne défense contre tout ennemi qui pouvait franchir la porte est ; en effet les assaillants sur le pont ne pouvaient le traverser qu’en file indienne. La mort de Gandalf face au monstre, qui sauve la Communauté de l’Anneau, récompensée par le retour du magicien en tant que Gandalf le Blanc, évoque le sacrifice de Horatius Coclès face aux barbares venus détruire Rome et, contre toute attente, y compris les siennes, le héros romain aussi échappe miraculeusement à la mort. Ajoutons à cela que Coclès est borgne, comme le dieu germanique Odin, auquel Gandalf a souvent été comparé68). Mentionnons également la ressemblance entre l’histoire d’Horatius et la défense du pont au Gouffre de Helm sous l’égide d’Aragorn. Cette nouvelle analogie, relevée par Charles W. Oughton69), concerne non seulement la situation et les événements narrés, mais aussi la manière de les présenter et raconter. Dans son article « Roman Heroes at Helm’s Deep? », Oughton va jusqu’à établir une concordance entre douze éléments de situation et faits de déroulement qui sont mis en avant par la narration de Tite-Live et ceux qui prédominent dans le récit de bataille que dresse Tolkien.

La réminiscence de la culture latine dans Le Seigneur des Anneaux ne se limite pas à l’histoire de Horatius, loin de là. Alicia Matz faisait remarquer70) que la définition donnée par Sénèque du bois sacré71) s’applique complètement à la forêt de Fangorn du Seigneur des Anneaux. Le caractère sacré de Fangorn est d’ailleurs renforcé par la présence de gardiens mythiques, les Ents. L’auteur souligne la religiosité des Romains envers les arbres et leur statut particulier, et la crainte des bois sacrés qui la teintait d’animisme. Ovide raconte72) comment Érysichton abat un chêne sacré, malgré les avertissements de ses compagnons, et tue ainsi la nymphe qui vivait à l’intérieur, avant de se faire cruellement punir par Cérès. Alicia Matz cite en outre Lucain, qui rapporte73) que Jules César fit détruire un bois sacré en Gaule pendant la guerre, lequel n’avait été foulé par aucun pied humain depuis des lustres ; lui aussi, comme on le sait, finira châtié – tardivement ! – par le destin. L’auteur relève évidemment le parallèle avec Saruman, qui fait également abattre de nombreux arbres de la forêt de Fangorn par ses troupes avant de subir l’ire des Ents, qui entraîne sa chute et la destruction de sa forteresse, frappée par les anciens esprits de la forêt.

Pour notre dernier exemple, nous pouvons enfin citer à la lettre Marco Cristini qui nous livre une pertinente synthèse au sujet du récit que fait Tolkien de la chute de la grandiose cité de Gondolin, livrée par trahison aux troupes de Morgoth :

Virgile a été une source d’inspiration fondamentale pour Tolkien, non seulement lors de la rédaction du Seigneur des Anneaux, mais aussi au début de sa “construction de monde”. La Chute de Gondolin, écrite en 1916, s’inspire de L’Énéide, dont le deuxième livre présente de nombreuses similitudes avec la description des derniers jours de Gondolin. Par exemple, l’attaque qui scelle le destin de la ville a lieu au cours d’une fête dans les deux œuvres, tandis que les deux protagonistes (Énée et Tuor) laissent femmes et fils pour combattre l’ennemi et assistent à la mort de leurs rois (Priam/Turgon). D’autres analogies incluent le topos de la chute de la plus haute tour de la ville ainsi que les scènes de Créuse/Idril serrant les genoux de leur mari et le suppliant de ne pas retourner au combat. Tolkien a choisi L’Énéide comme modèle principal car, pour lui, L’Énéide et La Chute de Gondolin évoquent un air d’antiquité et de mélancolie. La nostalgie de Virgile pour un “monde perdu” véhiculée dans L’Énéide ressemble beaucoup à la nostalgie qui imprègne l’écriture et la vie de Tolkien74).

Nostalgie qu’on retrouvera aussi dans le thème du déclin du monde et des hommes, aussi chère aux cycles romains d’Âge d’or et d’Âge de fer qu’à certains déploiements narratifs de Tolkien. Mais aborder ce sujet serait trop s’écarter du nôtre75) ; il est sans doute temps de revenir à la langue latine elle-même pour tenter maintenant de caractériser explicitement le rapport que le professeur entretenait avec elle.

Conclusion

Un bref historique du rapport de Tolkien au latin laisse entrevoir une forme de balancement entre périodes plus ou moins latinistes. L’écrivain le reconnaîtra lui-même : « Les attraits linguistiques évoluent… ou oscillent entre des pôles. Actuellement, le latin et le celtique de type britannique prévalent…76) » La langue du Latium fait partie de son enfance et reste liée aux souvenirs du temps passé avec sa mère qui l’introduisit à elle. La découverte de littératures et de langues plus nordiques et britanniques ont marqué le début d’un délaissement, alors même que plus tard la culture latine revint s’immiscer dans les langues, les histoires, et même les modes de narrations qu’on trouvera dans les écrits de Tolkien. La réforme liturgique a sans doute aussi contribué à rappeler Tolkien à son affection pour le latin, comme peut le faire la disparition subite d’un élément négligé du quotidien.

Car le latin avait un ancrage solide dans la vie de Tolkien, garanti par la fréquentation assidue des sacrements catholiques qui longtemps induisit une fréquentation du latin au moins hebdomadaire et extra-académique, sans compter les souvenirs d’enfance liés au latin. Moins rattachés au vécu et au cadre de vie de Tolkien, les autres « pôles » entre lesquels les préférences linguistiques de Tolkien ont pu évoluer étaient quant à eux définis et confortés par une appétence plus personnelle, plus intrinsèque pour le monde philologique et la culture anglo-saxonne. Ce qui justifie quelques tensions, ou du moins quelques-unes de ces « oscillations » ; on se souviendra d’ailleurs du regret qu’il exprimait dans une de ses lettres, à la fin de sa vie : selon ses dires, l’une des malheureuses conséquences de l’invasion normande fut « la falsification de notre propre langue avec pour conséquence la présence de cet ingrédient franco-latin surnageant largement comme de l’huile – ingrédient utilisé spécialement lorsque nous nous faisons “adultes”, renfermés ou professionnels77). » Tolkien, certes, aimait le latin, mais il aurait voulu qu’il n’influence pas les langues anglo-saxonnes en y mêlant ses racines.

Nous ne pouvons pas cependant nous borner à expliquer ainsi la relation continue de Tolkien au latin et le paradoxe qu’elle constitue face à la prédominance écrasante et revendiquée des autres langues et cultures dans son œuvre. Nous avions ouvert notre propos sur les mots avec lesquels Tolkien parlait de sa découverte du finnois, de manière colorée et positive, comme la découverte d’un vin nouveau. Cette réaction contraste avec celle qu’engendra la découverte du latin : comme nous l’avions aussi mentionné, pour Tolkien le latin « semblait si normal que [les notions de] plaisir ou [d’]aversion étaient pareillement inapplicables78). » Cette qualification du latin comme d’une langue « normale » est particulièrement intéressante, et réapparaît dans une lettre du professeur : « Je ressens la même chose […] qu’un éminent philologue […] qui m’a écrit un jour à propos d’une langue récemment découverte : “Elle est d’un type que vous et moi considérons comme normal […] – elle ressemble en effet au latin”79). » Chercher dans les propriétés du latin ce qui pourrait le faire sembler si « normal » serait l’objet d’un essai entier, et cette nouvelle quête serait loin d’être infructueuse ; en attendant, une explication externe à ce ressenti du professeur pourrait s’appuyer sur la fréquentation assidue d’une liturgie latine ou l’âge très jeune à partir duquel Tolkien, pour ainsi dire, vécut avec cette langue. Tolkien semblait trouver que le latin allait de soi, et c’est sans doute ce qui explique son apparition invisible et presque inconsciente dans l’œuvre, et le peu de mise en avant qu’a connu la relation entre l’écrivain et le parler du Latium.

Épilogue : Tolkien et le latin, une postérité

De nombreux lecteurs et admirateurs de Tolkien ont tenu à ajouter un peu plus d’une dimension latine à son œuvre, qu’ils aient ou non eu conscience du rapport particulier que le professeur entretenait avec cette langue. Selon leurs propres dires, leurs travaux sont surtout nés de deux amours, pour Tolkien d’une part et pour le latin d’autre part, appétences qui ont un jour trouvé le moyen de se rejoindre dans un alliage commun80). Mentionnons quelques tentatives abouties. En 2012, Marc Walker publie son Hobbitus ille chez HarperCollins, une traduction qui satisfera les latinistes amateurs et décevra les lecteurs classiques plus avancés. Comme nous en avons fait mention, sa translation et restitution de l’univers et de l’esprit tolkieniens au travers des notions et outils de la sémantique latine ont été critiquées, ainsi que la qualité même du latin de l’auteur qui, bien que respectant les règles syntaxiques et grammaticales (à quelques coquilles près), sonnerait assez peu naturel.

Une traduction du Seigneur des Anneaux a été effectuée de 2014 à 2022 par Richard Sturch, prêtre anglican diplômé d’Oxford en Literae Humaniores. Réalisée à titre privé – seuls quelques dizaines d’exemplaires ont circulé dans les cercles proches de l’auteur –, cette traduction a quant à elle fait l’objet de plus de louanges. Notre exergue – le début de la chanson de Bilbo The Road Goes Ever On – en est tirée. Notons pour finir le travail de Gabe Bloomfield, qui a cherché à créer, comme Tolkien l’avait lui-même fait81), un mode de tengwar permettant d’écrire le latin au moyen des caractères elfiques82).

Explicit liber.

Pede persequar beato
Donec fit concursio
Plurimarum semitarum ;
Quo me ducant, nescio.

Iohannes R. R. Tolkien,
Anulorum Erus, liber I, cap. I.

L’auteur remercie chaleureusement M. Damien Bador, dont les remarques et analyses ont permis de préciser et enrichir cet essai.

Sources et ouvrages cités

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  • Tolkien John Francis Reuel, documentaire « J.R.R.T.: A Portrait of John Ronald Reuel Tolkien, 1892-1973 », 1992.
  • Tolkien John Ronald Reuel, « The Battle of the Eastern Field », in King Edward’s School Chronicle, vol. 26, no 186, 1911, p. 22-26 ; trad. fr de Damien Bador : « La bataille du champ Oriental », in L’Arc et le Heaume 5, 2017, p. 138-143.
  • Tolkien J.R.R., « Acta Senatus », in King Edward’s School Chronicle, vol. 26, no 186, 1911, p. 26-27.
  • Tolkien J.R.R., The Hobbit, George Allen & Unwin, 1937 ; trad. latine par Marc Walker : Hobbitus ille, HarperCollins, 2012.
  • Tolkien J.R.R., « The Homecoming of Beorhtnoth Beorhthelm’s Son », in Essays and Studies, John Murray (Publishers) Ltd., édité par Geoffrey Bullough, 1953 ; trad. Elen Riot : « Le Retour de Beorhtnoth fils de Beorhthelm », in Faërie et autres textes, Christian Bourgois Éd., 2003.
  • Tolkien J.R.R., The Lord of the Rings: The Fellowship of the Ring, George Allen & Unwin, 1954 ; trad. fr. Daniel Lauzon : Le Seigneur des Anneaux : la Fraternité de l’Anneau, Christian Bourgois Éd., 2014 ; trad. lat. Richard Sturch : Anulorum Erus : Anuli Sodalitas, 2014.
  • Tolkien J.R.R., The Lord of the Rings: The Return of the King, George Allen & Unwin, 1955 ; trad. fr. Daniel Lauzon : Le Seigneur des Anneaux : le Retour du Roi, Christian Bourgois Éd., 2017 ; trad. lat. Richard Sturch : Anulorum Erus : Regis Reditus, 2022.
  • Tolkien J.R.R., « On Fairy-Stories », in Tree and Leaf, George Allen & Unwin, 1964 ; trad. Francis Ledoux : « Du conte de fées », in Faërie et autres textes, Christian Bourgois Éd., 2003.
  • Tolkien J.R.R., Unfinished Tales of Númenor and Middle-earth, George Allen & Unwin, édité par Christopher Tolkien, 1980 ; trad. Tina Jolas : Contes et légendes inachevés, Christian Bourgois Éd., 1982.
  • Tolkien J.R.R., The Letters of J.R.R. Tolkien, George Allen & Unwin, édité par Humphrey Carpenter & Christopher Tolkien, 1981 ; The Letters of J. R. R. Tolkien: Revised and Expanded Edition, 2023 ; trad. Vincent Ferré & Delphine Martin : Lettres, Christian Bourgois Éd., 2005.
  • Tolkien J.R.R., The Monsters and the Critics and Other Essays, George Allen & Unwin, 1983 ; trad. Christine Laferrière : Les Monstres et les Critiques et autres essais, Christian Bourgois Éd., 2006.
  • Tolkien J.R.R., Sauron Defeated, part. 2, « The Notion Club Papers Part two », HarperCollins, édité par Christopher Tolkien, 1992.
  • Tolkien J.R.R., « Letter to Patricia Kirke » [28 mars 1956], in Catalogue 299, Gerard A.J. Stodolski (éd.), 1999, item 29.
  • Tolkien J.R.R., Parma Eldalamberon 17, Elvish Linguistic Fellowship, édité par Christopher Gilson, 2007.
  • Tolkien J.R.R., Parma Eldalamberon 20, Elvish Linguistic Fellowship, édité par Arden R. Smith, 2012.
  • Tolkien J.R.R., « lettre du 20 mars 1969 à Amy Ronald », cité dans Autograph Letters and Printed Books, including First Editions, Christie’s, 19 mai 2000.
  • Tolkien Simon, « My Grandfather », in The Mail on Sunday, 23 February 2003.

Voir aussi sur Tolkiendil

1) Version originale : « It was like discovering a complete wine-cellar filled with bottles of an amazing wine of a kind and flavour never tasted before. It quite intoxicated me. », J.R.R. Tolkien, The Letters of J.R.R. Tolkien, George Allen & Unwin, édité par Humphrey Carpenter & Christopher Tolkien, 1981, lettre no 163 du 7 juin 1955. Sauf mention contraire, les traductions des citations sont de l’auteur.
2) Humphrey Carpenter, J.R.R. Tolkien: A biography, George Allen & Unwin, 1977, part. 2, ch. 2, « Birmingham ».
3) Version originale : « French and Latin together were my first experience of second-learned language. Latin – to express now sensations that are still vivid in memory though inexpressible when received – seemed so normal that pleasure or distaste was equally inapplicable. French has given to me less of this pleasure than any other language with which I have sufficient acquaintance for this judgement. », J.R.R. Tolkien, The Monsters and the Critics and Other Essays, George Allen & Unwin, 1983, « English and Welsh ».
4) Version originale : « a friendship based on a shared interest in Latin and Greek, a great delight in Rugby football […] and an enthusiasm for discussing anything and everything », Humphrey Carpenter, J.R.R. Tolkien: A biography, George Allen & Unwin, 1977, part. 2, ch. 3, « “Private lang.” – And Edith ».
5) , 8) Humphrey Carpenter, J.R.R. Tolkien: A biography, George Allen & Unwin, 1977, part. 2, ch. 3, « “Private lang.” – And Edith ».
6) « Poetry I discovered much later in Latin and Greek and especially through being made to try and translate English verse into classical verse. », J.R.R. Tolkien, « On Fairy-Stories », in Tree and Leaf, George Allen & Unwin, 1964.
7) John Garth, Tolkien and the Great War, HarperCollins, 2003, part. 1, ch. 1, « Before ».
9) « Around Autumn term 1907 at King Edward’s School, Birmingham, Tolkien created “Naffarin”, a private language influenced by Latin and Spanish », Christina Scull & Wayne G. Hammond, The J.R.R. Tolkien Companion and Guide, HarperCollins, 2006, « Reader’s Guide ».
10) J.R.R. Tolkien, The Monsters and the Critics and Other Essays, HarperCollins, 1983, « A Secret Vice ».
11) Version originale : « [Tolkien] preferred Latin and Greek poetry to Milton and Keats », Humphrey Carpenter, J. R. R. Tolkien: A biography, George Allen & Unwin, 1977, part. 1, ch. 4, « “T.C., B.S., etc.” ».
12) Ce débat annuel n’eut lieu que de 1906 à 1928, la coutume disparaît ensuite. Cf. Marco Cristini, « De actis senatus ab Iohanne R.R. Tolkien Latine scriptis », in Vox Latina 57, 2021.
13) Marco Cristini, « De actis senatus ab Iohanne R.R. Tolkien Latine scriptis », in Vox Latina 57, 2021.
14) Humphrey Carpenter, J. R. R. Tolkien: A biography, George Allen & Unwin, 1977, part. 1, ch. 4, « “T.C., B.S., etc.” ».
15) Christina Scull & Wayne G. Hammond, The J.R.R. Tolkien Companion and Guide, HarperCollins, 2006, « Reader’s Guide ».
16) « By now he was bored with Latin and Greek authors and was far more excited by Germanic litterature. », Humphrey Carpenter, J.R.R. Tolkien: A biography, George Allen & Unwin, 1977, part. 2, ch. 5, « Oxford ».
17) Version originale : « [my] love for the classics took ten years to recover from lectures on Cicero and Demosthenes », cité par C.S. Lewis in « Professor J.R.R. Tolkien Creator of Hobbits and inventor of a new mythology », in The Times, 3 sept. 1973. On pourra s’étonner que C.S. Lewis soit l’auteur de la nécrologie du Times, alors qu’il était décédé dix ans auparavant. À l’époque, il était commun pour un journal de demander la rédaction d’une nécrologie du vivant de la personne pour l’avoir sous la main le jour du décès, et C.S. Lewis fut sollicité probablement à la fin des années 1950 ou au début des années 1960.
18) Version originale : « I have known Professor Tolkien intimately since the beginning of his undergraduate days at Oxford, and have greatly admired his keen interest in the philological study of Latin, Greek, and more especially the Germanic Languages. He regularly attended my classes and lectures for two years on Comparative Philology in general, and on Latin, Greek, and Gothic, and I formed a high opinion of his attainments in these subjects. », « An Application for the Rawlinson and Bosworth Professorship of Anglo-Saxon in the University of Oxford by J.R.R. Tolkien, Professor of the English Language in the University of Leeds », 25 juin 1925, cité par Christina Scull & Wayne G. Hammond, The J.R.R. Tolkien Companion and Guide, HarperCollins, 2006, « Reader’s Guide ».
19) « Even now he does not get very much done, for Michael wants help with his Latin prose homework, and this occupies twenty minutes. », Humphrey Carpenter, J. R. R. Tolkien: A biography, George Allen & Unwin, 1977, part. 4, ch. 1, « Oxford life ».
20) « His commitment to Christianity and in particular to the Catholic Church was total. This is not to say that the practice of his faith was always a source of consolation to him: he set himself a rigorous code of behaviour, especially in the matter of making his confession before receiving communion, and when (as often happened) he could not bring himself to go to confession he would deny himself communion and live in a pathetic state of spiritual depression. », Humphrey Carpenter, J. R. R. Tolkien: A biography, George Allen & Unwin, 1977, part. 4, ch. 2, « Photographs observed ».
21) Cf. Lettres, no 55, 56a, 73, 99, 251, in J.R.R. Tolkien, The Letters of J. R. R. Tolkien: Revised and Expanded Edition, HarperCollins, édité par Humphrey Carpenter & Christopher Tolkien, 2023 ; Humphrey Carpenter, J.R.R. Tolkien: A biography, George Allen & Unwin, 1977, part. 4, ch. 1, « Oxford life ».
22) Cf. Pie XI, Lettre apostolique Officiorum omnium, 1922.
23) Version originale : « Latinæ linguæ usus [est] remedium efficax adversus quaslibet germanæ doctrinæ corruptelas. », Pie XII, Encyclique Mediator Dei, 1947, I, V, § 3.
24) Version originale : « Quarum in varietate linguarum ea profecto eminet, quæ primum in Latii finibus exorta, deinde postea mirum quantum ad christianum nomen in occidentis regiones disseminandum profecit. Siquidem non sine divino consilio illud evenit, ut qui sermo amplissimam gentium consortionem sub Romani Imperii auctoritate sæcula plurima sociavisset, is et proprius Apostolicæ Sedis evaderet […] Neque hoc neglegatur oportet, in sermone Latino nobilem inesse conformationem et proprietatem ; siquidem loquendi genus pressum, locuples, numerosum, maiestatis plenum et dignitatis habet, quod unice et perspicuitati conducit et gravitati. », Jean XXIII, Constitution Apostolique Veterum Sapientia, 3, 1962 ; traduction française trouvée sur ceremoniaire.net, auteur inconnu.
25) Ce psaume n’est pas ordinairement lu pendant la messe elle-même, mais, comme le note Michaël Devaux, il était récité lors des vêpres du dimanche qui s'ensuivent. Cf. Michaël Devaux, « Tolkien et le rosaire : qu’ont les Elfes à faire avec le Christ ? », in L'Arc et le Heaume hors-série 3, 2022, p. 148 n. 7.
26) Qui sont une série de louanges, d’invocations et de demandes, également en latin.
27) Version originale : « If you don’t do so already, make a habit of the “praises”. I use them much (in Latin): the Gloria Patri, the Gloria in Excelsis, the Laudate Dominum; the Laudate Pueri Dominum (of which I am specially fond), one of the Sunday psalms; and the Magnificat; also the Litany of Loretto (with the prayer Sub tuum presidium). If you have these by heart you never need for words of joy. It is also a good and admirable thing to know by heart the Canon of the Mass, for you can say this in your heart if ever hard circumstance keeps you from hearing Mass. », J.R.R. Tolkien, The Letters of J.R.R. Tolkien, George Allen & Unwin, édité par Humphrey Carpenter & Christopher Tolkien, 1981, lettre no 54 [8 janvier 1944].
28) Cf. Carl F. Hostetter (éd.), Vinyar Tengwar 43 & 44, Elvish Linguistic Fellowship, 2002.
29) Version originale : « We had rosary, very well said, and entirely in Latin, to my surprise and pleasure […]. », J.R.R. Tolkien, Giornale d’Italia, cité par Christina Scull & Wayne G. Hammond, The J.R.R. Tolkien Companion and Guide, HarperCollins, 2006, « Chronology ».
30) Humphrey Carpenter, J. R. R. Tolkien: A biography, George Allen & Unwin, 1977, part. 4, ch. 2, « Photographs observed ».
31) Version originale : « more suitable to the ways of life of modern Christians », J.R.R. Tolkien, « Letter to Patricia Kirke » [28 mars 1956], in Catalogue 299, Gerard A.J. Stodolski (éd.), 1999, item 29.
32) Version originale : « one feels a little dislocated and even a little sad at my age to know that the ceremonies and modes so long familiar and deeply associated with the season will never be heard again! », J.R.R. Tolkien, « Letter to Patricia Kirke » [28 mars 1956], in Catalogue 299, Gerard A.J. Stodolski (éd.), 1999, item 29.
33) Version originale : « [He] very strongly couldn’t see any point in abandoning Latin. He used to try and struggle with using the Latin missal with the English Mass. », John Francis Reuel Tolkien, dans le documentaire « J.R.R.T.: A Portrait of John Ronald Reuel Tolkien, 1892-1973 », 1992.
34) Version originale : « made all the responses very loudly in Latin while the rest of the congregation answered in English. » Simon Tolkien, « My Grandfather », in The Mail on Sunday, 23 February 2003.
35) La pétition fut signée par de nombreuses personnalités non catholiques de la société britannique, dont Agatha Christie, Vladimir Ashkenazy, Kenneth Clark, Robert Graves, F.R. Leavis, Cecil Day-Lewis, Nancy Mitford, Iris Murdoch, Yehudi Menuhin, Joan Sutherland et deux évêques anglicans. La pétition aboutit, et le pape Paul VI signa l’indult (autorisation dérogatoire) réclamé le 5 novembre 1971.
36) Version originale : « Per chi sa la bellezza, la potenza, la sacralità espressiva del latino, certamente la sostituzione della lingua volgare è un grande sacrificio: perdiamo la loquela dei secoli cristiani, diventiamo quasi intrusi e profani nel recinto letterario dell’espressione sacra, e così perderemo grande parte di quello stupendo e incomparabile fatto artistico e spirituale, ch’è il canto gregoriano. Abbiamo, sì, ragione di rammaricarci, e quasi di smarrirci […]. », Paul VI, audience générale du 26 novembre 1969 ; trad. fr. de la Documentation Catholique.
37) « Every participant in the school’s annual Latin debates sported a classical tag. […] Tolkien’s tags were all puns: on his surname rendered jokily as ‘toll keen’: Vectigalius Acer, Portorius Acer Germanicus […]. », John Garth, Tolkien and the Great War, HarperCollins, 2003, part. 1, ch. 1, « Before ».
38) Cf. John Garth, Tolkien and the Great War, HarperCollins, 2003, part. 1, ch. 1, « Before ».
39) Tous les autres pseudonymes latins de Tolkien reposaient sur le même jeu de mot, comme Spurius Vectigalius Acer, – vectigal se traduisant également toll – et Eisphorides Acribus Polyglotteus, le grec eisphora (εἰσφορά) désignant également une taxe, et Acribus provenant du même adjectif acer.
40) Nous devons cette observation à Kathryn H. Stutz, « G. B. Smith’s “Elzevir Cicero” and the Construction of Queer Immortality in Tolkien’s Mythopoeia », in Thersites 15, 2022.
41) Version originale : « Extemplo in mediis de pace verbis multas, uti videtur, horas Roscium interficere meditatus iam in Roscium intorsit Theophilus “bombum”, quod credimus habere nomen tormenta eiusmodi apud barbaros. », J.R.R. Tolkien, « Acta Senatus », in King Edward’s School Chronicle, vol. 26, no 186, 1911.
42) « Barbare », au sens antique du terme latin, désigne toute personne qui n’est ni grecque ni romaine, il ne faut pas nécessairement chercher dans cette expression une connotation péjorative, mais éventuellement une plus grande immersion ludique.
43) Version originale : « T. Portorius Acer Germanicus […] iussit […] inferre panem forma colore inusitatum necnon et gustatu cui “canonico” indidit nomen », J.R.R. Tolkien, « Acta Senatus », in King Edward’s School Chronicle, vol. 26, no 186, 1911.
44) , 48) Cf. Marco Cristini, « De actis senatus ab Iohanne R.R. Tolkien Latine scriptis », in Vox Latina 57, 2021.
45) Cf. Christina Scull & Wayne G. Hammond, The J.R.R. Tolkien Companion and Guide: Reader's Guide, vol. 1, entrée « Measures, Alfred Ernest ».
46) Communication personnelle.
47) Notons par honnêteté que Petrus Pictor est aussi le nom d’un obscur chanoine quasi-inconnu qui vécut à Saint-Omer, dans le Pas-de-Calais, entre la seconde moitié du xie siècle et la première moitié du xiie siècle.
49) Version originale : « hoc [pane] impudenter ac insolentissime Roscio in mucrone gladii dato », J.R.R. Tolkien, « Acta Senatus », in King Edward’s School Chronicle, vol. 26, no 186, 1911.
50) Version originale : « In a Latin language hobbits looks dreadful […]. », Lettre du 20 juillet 1962 à Alina Dadlez, cité par Christina Scull & Wayne G. Hammond, The J.R.R. Tolkien Companion and Guide, HarperCollins, 2006, « Reader’s Guide ».
51) J.R.R. Tolkien, Hobbitus ille, HarperCollins, 2012, trad. Marc Walker.
52) J.R.R. Tolkien, « The Homecoming of Beorhtnoth Beorhthelm’s Son », in Essays and Studies, John Murray (Publishers) Ltd., édité par Geoffrey Bullough, 1953.
53) Cf. Maggie Burns, « Commentary: The Battle of the Eastern Field », Mallorn 46, 2008, p. 15-20 ; J.R.R. Tolkien, « The Battle of the Eastern Field », in King Edward’s School Chronicle, vol. 26, no 186, 1911, p. 22-26, trad. fr de Damien Bador, « La bataille du champ Oriental », in L’Arc et le Heaume 5, 2017, p. 138-143.
54) Le latin compterait encore aujourd’hui 2000 locuteurs courants. Cf. speaking-latin.net, « Frequently Asked Questions ».
55) Damien Bador, « La langue de la connaissance. L’influence du latin sur le quenya de J.R.R. Tolkien », in Tolkien et l’Antiquité : Passé et Antiquités en Terre du Milieu, Dimitri Maillard (dir.), Classiques Garnier, 2024, p. 91-117.
56) David Salo, « On Telerin », 2005, midgardsmal.com, 2013, tolkiendil.com (article en anglais), 2021.
57) J.R.R. Tolkien, The Lord of the Rings: The Return of the King, George Allen & Unwin, 1955, Appendice F.
58) Version originale : « Sindarin […] is in fact constructed deliberately to […] have a relation to High-elven similar to that existing between British […] and Latin. », J.R.R. Tolkien, The Letters of J.R.R. Tolkien, George Allen & Unwin, édité par Humphrey Carpenter & Christopher Tolkien, 1981, lettre no 165 [1955].
59) « the nearest equivalents to Latin and Greek in Shire-lore were the Elvish tongues », J.R.R. Tolkien, The Lord of the Rings: The Return of the King, George Allen & Unwin, 1955, Appendice F.
« […] the archaic ‘Elvish’ language of lore [Quenya] is meant to be a kind of “Elven-latin”, and by transcribing it into a spelling closely resembling that of Latin […] the similarity to Latin has been increased ocularly. », J.R.R. Tolkien, The Letters of J.R.R. Tolkien, George Allen & Unwin, édité par Humphrey Carpenter & Christopher Tolkien, 1981, lettre no 144 [25 avril 1954].
« Avallonian is […] more august, more ancient, and, well, sacred and liturgical. I used to call it the Elven-Latin. », J.R.R. Tolkien, Sauron Defeated, édité par Christopher Tolkien, 1992, part. 2, « The Notion Club Papers Part two ».
60) « Actually it might be said to be composed on a Latin basis with two other (main) ingredients that happen to give me ‘phonaesthetic’ pleasure: Finnish and Greek. », J.R.R. Tolkien, The Letters of J.R.R. Tolkien, George Allen & Unwin, édité par Humphrey Carpenter & Christopher Tolkien, 1981, lettre no 144 [25 avril 1954].
« The ingredients in Quenya are various, but worked out in a self-consistent character not precisely like any language that I know. », J.R.R. Tolkien, Parma Eldalamberon 17, Elvish Linguistic Fellowship, édité par Christopher Gilson, 2007.
61) Cf. Roman Rausch, « Teleri lambëo minaþurië – Enquiry into the Telerin language », sindanoorie.net, 2005 ; trad. Damien Bador : « Teleri lambëo minaþurië – Enquête sur la langue telerine », tolkiendil.com, 2012.
62) D’après une note de Tolkien de 1967, citée par son fils Christopher dans J.R.R. Tolkien, Unfinished Tales of Númenor and Middle-earth, George Allen & Unwin, édité par Christopher Tolkien, 1980.
63) Citons entre autres : « the making of language and mythology are related functions », J.R.R. Tolkien, The Monsters and the Critics and Other Essays, George Allen & Unwin, 1983, ch. 6 « A Secret Vice ».
64) En latin, Publius Horatius Cocles, « Horace le Borgne ».
65) Histoire romaine, II, 10.
66) William H. Stoddard, « Horatius at Khazad-dum », troynovant.com (section ‘Essays A-L’), 2003.
67) J.R.R. Tolkien, The Lord of the Rings: The Fellowship of the Ring, George Allen & Unwin, 1954, livre II, ch. 5, « The Bridge of Khazad-dûm ».
68) Voir notamment Marjorie Burns, « Gandalf and Odin », in Tolkien's Legendarium: Essays on the History of Middle-earth, Verlyn Flieger & Carl Hostetter (dir.), Greenwood Press, 2000, p. 219-231.
69) « […] the larger structure of Tolkien’s narrative as well as the imagery that resonates throughout the text distinctly evoke the vivid descriptions of Livy. While both sets of heroes make brave stands against their enemies, Tolkien’s warriors represent a civilizing force in their efforts to build and restore their defenses while Livy’s Roman heroes destroy the bridge to save their state. », Charles W. Oughton, « Roman Heroes at Helm’s Deep? », in Thersites 15, 2022.
70) Alicia Matz, « Quis enim laesos impune putaret deos?: Ents, Sacred Groves, and the Cost of Desecration », in Thersites 15, 2022.
71) « S’il s’offre à tes regards un de ces bois sacrés peuplé d’arbres antiques qui dépassent les proportions ordinaires, où l’épaisseur des rameaux étagés les uns sur les autres te dérobe la vue du ciel, l’extrême hauteur des arbres, la solitude du lieu, et ce qu’a d’imposant cette ombre en plein jour si épaisse et si loin prolongée te font croire qu’un Dieu est là. »
Version originale : « Si tibi occurrerit vetustis arboribus et solitam altitudinem egressis frequens lucus et conspectum caeli ramorum aliorum alios protegentium summovens obtentu, illa proceritas silvae et secretum loci et admiratio umbrae in aperto tam densae atque continuae fidem tibi numinis faciet. », Sénèque le Jeune, Epistulae morales ad Lucilium, Epistula xli, 65 ap. J.-C. ; trad. Joseph Baillard : Lettres à Lucilius, Lettre 41, Hachette, 1914.
72) Les Métamorphoses, VIII, 739.
73) Pharsale, III, 399.
74) Version originale : « Vergil was a fundamental source of inspiration for Tolkien, not only when writing The Lord of the Rings, but also at the beginning of his “world-building”. The Fall of Gondolin, written in 1916, was modeled upon the Aeneid, whose second book shares many similarities with the description of Gondolin’s last day. For instance, the attack that seals the fate of the city takes place during a feast in both works, whereas both protagonists (Aeneas and Tuor) leave wives and sons to fight the enemy and witness deaths of their kings (Priam/Turgon). Other analogies include the topos of the fall of the tallest tower of the city as well as the scenes of Creusa/Idril clasping the knees of her husband and begging him not to go back to the battle. Tolkien chose the Aeneid as his main model because, in his opinion, the Aeneid and The Fall of Gondolin evoked the air of antiquity and melancholy. Vergil’s nostalgia for a “lost world” conveyed in the Aeneid greatly resembles the nostalgia pervading both Tolkien’s writing and life. », Marco Cristini, « The Fall of Two Cities: Troy and Gondolin », in Thersites 15, 2022.
75) On se reportera à l’article de Giuseppe Pezzini, « (Classical) Narratives of Decline in Tolkien: Renewal, Accommodation, Focalization », in Thersites 15, 2022.
76) Version originale : « Linguistic taste changes…. or oscillates between poles. Latin and the British type of Celtic have it now… », J.R.R. Tolkien, The Letters of J.R.R. Tolkien, George Allen & Unwin, édité par Humphrey Carpenter & Christopher Tolkien, 1981, lettre no 163 [7 juin 1955].
77) Version originale : « the adulteration of our own language with the consequence that we have a large Franco-Latin ingredient largely floating about like oil – specially used when we are being “adult”, stuffy or professional », J.R.R. Tolkien, « lettre du 20 mars 1969 à Amy Ronald », cité dans Autograph Letters and Printed Books, including First Editions, Christie’s, 19 mai 2000.
78) Version originale : « Latin […] seemed so normal that pleasure or distaste was equally inapplicable. », J.R.R. Tolkien, The Monsters and the Critics and Other Essays, George Allen & Unwin, 1983, « English and Welsh ».
79) Version originale : « I feel […] like an eminent philologist […] who once wrote to me about some language recently discovered: ‘It is of a kind that you and I both feel to be normal […] – it indeed resembles Latin.’ », J.R.R. Tolkien, The Letters of J.R.R. Tolkien, George Allen & Unwin, édité par Humphrey Carpenter & Christopher Tolkien, 1981, lettre no 338 [6 (?) juin 1972].
80) La rédaction de ce texte n’échappe pas à ce cas de figure.
81) Voir notamment les calligraphies de J.R.R. Tolkien en alphabet qenya publiées dans le Parma Eldalamberon 20 (2012), dont bon nombre sont des transcriptions de prières en latin, notamment celles référencées Q7-Q8 (p. 39-47), Q11k (p. 68, 71-72), Q18-Q25 (p. 90-107) et Q40 (p. 158-159). Certaines de ces calligraphies (Q8, Q18, Q21 et Q24) ont été rééditées dans L’Arc et le Heaume hors-série 3 (2022), p. 5-6, 32, 110, 134.
82) Gabe Bloomfield, « The Tengwar – Latin Mode », tolkiendil.com (article en anglais), 2010.
 
langues/textes/tolkien_et_latin.txt · Dernière modification: 14/05/2024 21:30 par Loye Othelorn
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