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Vanyarin. Ce nom est attribué à toutes les formes de la langue de ce clan, après que le parler ancien (le quenya, perpétué par le parmaquesta
) cessât d’être usité au quotidien. Les premières attestations du parler des Vanyar
, préservée en partie dans certains savoirs traditionnels, en partie dans quelques inscriptions et écrits anciens dans l’alphabet de Rúmil (datant des environs de 2200 AV1) ou d’une période légèrement postérieure), remontent à une période antérieure au parmaquesta
. La langue de ces anciens fragments est parfois appelée vanyarin ancien
, mais puisqu’il s’agit seulement d’une forme archaïque de quenya
, il est préférable de l’appeler ancien quenya
, et de réserver vanyarin
aux formes ultérieures au parmaquesta
. Cela est aussi plus approprié, du fait qu’à des dates aussi anciennes les langues de Vanyar
et des Noldor
n’avaient encore que très peu divergées. »
2)
e vanyarin est le dialecte du quenya qu’utilisent les Vanyar entre eux au quotidien, qui se distingue ainsi du parmaquesta, la « langue livresque » archaïque. Le quenya « était en fait à l’origine la parler du plus ancien clan des Elfes, les Vanyar, tel qu’il fut mis par écrit à Aman aux Jours du Bonheur. »3) Les dialectes vanyarin et ñoldorin étaient mutuellement intelligibles, et ne commencèrent à se différencier l’un de l’autre qu’après la séparation des Vanyar et des Ñoldor, lorsque les premiers quittèrent Tirion pour aller résider à Valinor même. Selon les « Notes sur les mobiles dans le Silmarillion »4) : « Dans les récits les Valar sont toujours présentés comme parlant quenya en toutes circonstances. Habituellement dans un style élevé et formel. Souvent, lorsqu’il y avait des différences, plutôt d’après la manière vanyarine que ñoldorine, car les Vanyar étaient principalement dans leur compagnie ; encore que les écrivains ñoldorins aient parfois substitué leurs propres formes. »5) La primauté de la langue des Vanyar était aussi renforcée par celle d’Ingwë, leur roi6), d’autant qu’elle était considérée « la plus riche et la plus belle »7).
À l’origine, les Vanyar semblent avoir plus enclins que les autres Eldar à altérer leur parler, « en adoucissant et en atténuant ses sons, en particulier les consonnes »8). Ils adoptèrent aussi plus de termes valarins que ne le firent les Ñoldor, notamment en ce qui concerne les noms de couleur : ezel, ezella « vert », ulban « bleu », tulka « jaune », etc.9) Cependant, à l’époque de la séparation des Vanyar et des Ñoldor, les lambeñgolmor vanyarins étaient toutefois considérés plus conservateurs que leurs homologues ñoldorins10). Les innovations grammaticales et lexicales du quenya ñoldorin, comme le nivellement de lepenya « cinquième » en lempëa, par analogie avec lempë « cinq » et avec la terminaison régulière en -ëa des autres ordinaux du quenya11), ou la modification du nom de la langue quendya > quenya12) ne furent jamais intégrées au vanyarin. Les noms de la Lune et du Soleil, créés par les Valar après l’Exil des Ñoldor, différaient naturellement dans les deux dialectes : pour les Vanyar, ils se nommaient respectivement Isil et Anar, alors que les Ñoldor les appelaient Rána et Vása13). Les noms vanyarins étant curieusement devenus les plus courants dans les terres mortelles (comme en témoignent les noms Isildur et Anárion), il faut supposer qu’ils furent transmis aux Edain lors de la Guerre du Courroux, ou que les Númenóriens vinrent à les adopter suite à leurs contacts avec les Elfes d’Aman au Deuxième Âge.
Du point de vue de phonologique, la principale différence tenait au fait que la spirante þ demeura dentale, et qu’elle ne fusionna jamais avec le s en vanyarin14). On notera aussi que la spirante f resta bilabiale chez les Vanyar, que les Ñoldor accusaient de confondre les sons s et hw (ce qui conduisait Fëanor à déclarer en plaisantant que « les Vanyar appelaient son père Hwinwe et lui-même Hwëanáro »15)). Il semble aussi que le d pouvait apparaître plus librement en vanyarin qu’en quenya classique, si l’on se fie au fait que la complainte de l’Aldudénië fut composée par la Vanya Elemmírë16). Concernant le tarquesta, la « haute langue » ou quenya parlé, « l’usage des Vanyar, en particulier ceux de la maison d’Iñgwe, est considéré le meilleur. Pourtant les Noldor, et en particulier les maîtres du savoir en leur sein (car les Noldor n’ont pas de rivaux en érudition) usent en fait de sons et de formes plus archaïques et plus proches du parmaquesta écrit. Cela est particulièrement vrai en matière de prononciation, puisque l’usage des Vanyar présente l’effet des changements de leur langue quotidienne des temps plus récents. »17)
ans les Contes perdus, l’inwelin, ultérieurement renommé inwien était la langue des Inwir, la Maison royale d’Inwë18). Il s’agissait d’un dialecte du telellin, étroitement apparenté au qenya, d’« une manière plus ancienne et plus archaïque […] fréquemment utilisée en poésie ou dans les livres traitant de sujets profonds »19), y compris par ceux des Eldar qui ne la parlaient pas couramment. Seuls les Inwir en usaient entre eux au quotidien ; l’inwelin était donc principalement parlé à Alalminóre et Kortirion20). Dans le texte de « La Musique des Ainur », Rúmil indique que l’inwelin aurait fusionné avec les autres dialectes du qenya après la venue des Eldar à Tol Eressëa21). Néanmoins, une description tirée de l’« Early Qenya Grammar », légèrement postérieure, laisse entendre que l’inwien aurait perduré à Kortirion22).
Par opposition au qenya vernaculaire, l’inwelin avait une phonologie conservatrice, notamment pour la prononciation des –a finaux, jamais affaiblis en –ə23) et celle des –t finaux, qui n’étaient pas prononcés [s], sauf si une dentale précédaient la voyelle finale24). Les groupes –nt finaux étaient aussi conservés dans certains éléments flexionnels, alors qu’ils devenaient systématiquement –n en qenya25). Le groupe tsī ne donnait jamais sī̆, contrairement au qenya vernaculaire26). Enfin, les dy- initiaux étaient conservés en inwelin : par exemple, le q. yenye(n) « hier » s’écrivait dyen(d)ye(n), le q. Yelin « Hiver » devait correspondre à Dyelin en inwelin27), etc. Néanmoins, l’inwelin comportait quelques innovations phonologiques, comme le changement tı̯ > tχ̑, qui n’avait pas lieu en solosimpilin28). La forme primitive *þeχe « œil » donnait hen en inwelin et sé en qenya, mais les règles d’évolution des combinaisons de spirantes restent obscures29).
Le premier brouillon de la « Qenyaqetsa » semble nommer ce dialecte inwilinqa30).
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ès le « Lhammas » était présente l’idée que le dialecte vernaculaire du Premier Clan des Elfes, alors appelé lindarin, était différent du qenya parlé ou écrit, et qu’il s’était différencié du parler des Ñoldor après que les Lindar furent partis de Tûn (que Tolkien nommera ultérieurement Tirion)31). Toutefois, à cette époque, les Elfes étaient supposés avoir appris à parler grâce à Oromë, et leur langue être dérivée du valarin. Aussi le lindarin, langue dont les Lindar « n’usaient qu’entre eux et n’écrivaient jamais »32) était-il simplement « fort semblable au valien ». Son conservatisme grammatical et lexical, particulièrement notable dans la maison d’Ingwë33), qui était dite parler « la forme la plus pure » du tarqesta34), s’expliquait justement par la proximité des Vanyar et des Valar35). Les strates anciennes du qenya étaient déjà nommées « lindarin ancien » dans la « Tengwesta Qenderinwa 1 »36).
Si le qenya est déjà la langue « employée par les Lindar dans leurs conversations avec les Dieux » et « la première langue elfique à être écrite »37), son origine diffère néanmoins selon les manuscrits : dans les manuscrits A et B du « Lhammas » et dans la « Tengwesta Qenderinwa 1 », il s’agit de la forme ancienne du lindarin, tandis que le « Lammasethen » en fait « une langue apprise à nouveau des Valar eux-mêmes à Valmar ; et même s’ils l’adoucirent et la transformèrent encore, [cette] langue était, de bien des manières, entièrement différente de l’ancien elfique quendien issu d’Oromë. »38)39) Si l’on reprend la récapitulation faite par Christopher Tolkien en RP, p. 225, il est possible de tracer le tableau suivant pour résumer les différents scénarios que Tolkien avait élaborés à cette époque :
| Lhammas A | Lhammas B | Lammasethen | Tengwesta Qenderinwa 1 |
Q(u)enya | Appelé qendya ou eldarin, ancien parler des Lindar, dont la forme écrite s’est figée. Haute langue, utilisée comme parler commun entre Elfes. | Sa forme écrite, figée, est le parmalambe, celle parlée le tarqesta « haute langue ». Ancien parler des Lindar, utilisé comme parler commun entre Elfes. | Aussi appelé valinorien, adaptation nouvelle du valarin par les Lindar après leur départ de Tûn, fixée par écrit. Haute langue, utilisée comme parler commun entre Elfes. | Appelé qen(d)ya, sa forme écrite est le parmaqesta, celle parlée le tarqesta « haute langue». Ancier parler des Lindar, utilisé comme parler commun entre Elfes. |
Ingwiqenya | Appelé ingwiqendya, ingwëa ou ingwelindarin dans ce manuscrit, « dialecte noble » du lindarin. | Forme « la plus haute et la plus pure » du quenya. Par extension : le quenya en général. | Forme « plus pure et archaïque » du quenya « valinorien » | Forme « considérée la meilleure ou la plus correcte » du tarqesta. |
Lindarin | Parler vernaculaire ultérieur des Lindar. | Parler vernaculaire ultérieur des Lindar. | Parler originel des Lindar, d’origine oromienne, uniquement utilisé entre eux. | « Parler vernaculaire des Lindar tel qu’il est désormais. » |
Dans « Les Étymologies », Tolkien semble sous-entendre qu’il existait une autre différence entre les variétés lindarine et ñoldorine du qenya, ce dernier comportant l’évolution phonologique ngw > mb, sauf dans certains mots où la forme lindarine était d’usage courant ou lorsque l’étymologie du mot restait clairement perçue, comme dans le nom Ingwë, dérivé de ING-40) et WEG41). Cette différence n’étant plus mentionnée par la suite, il y a fort à parier que Tolkien abandonna cette idée.
Selon le « Lhammas », les Ñoldor qui ne prirent pas part à l’Exil ou s’en repentirent et revinrent sur leur pas en compagnie de Finarfin abandonnèrent la cité de Tirion et vinrent s’établir en compagnie des Lindar, dont ils adoptèrent le dialecte42). En revanche, le premier « Arbre des Langues » du « Lhammas » indiquait une coalescence des dialectes lindarin et ñoldorin, prenant le nom de noldolindarin, tandis que la version ultérieure de cet arbre semble donnait simplement le nom d’eldarin à cette nouvelle strate du qenya43).
Selon Arden R. Smith, Tolkien avait élaboré un « Usage lindarin » pour les tengwar dans les années 30, dans lequel les tyeller (grades consonantiques) étaient employés de manière similaire au tableau présenté dans l’Appendice III des « Addenda & Corrigenda aux “Étymologies” », mais ce manuscrit n’a pas encore été publié44).
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